1903 (rév. 1926) : Henri ROBERT — “Gravure de Musique et Simili Gravure”

Blog “Dans l’Atelier du Compositeur” & “Sculpteur de Notes”

1903 (rév. 1926) : Henri ROBERT — “Gravure de Musique et Simili Gravure”

1903 : Henri ROBERT — “Gravure de Musique et Simili Gravure ; Traité Précédé de l’Historique du Signe, de l’Impression, et de la Gravure de Musique”

Introduction

Dans ce premier épisode de la Série Notation & Gravure Musicales au Fil du Temps, nous allons commencer notre voyage en 1903, au fil des pages d’un ouvrage au charme suranné. Au cours de mes recherches, j’ai découvert avec étonnement que le premier traité à détailler le processus de la gravure musicale traditionnelle, telle qu’on la pratiquait aux XIX et XXè siècles, s’avère être un livre écrit par un Français, le dénommé Henri Robert.

Ainsi débute la Première grande Partie de notre série de lectures critiques : Perspectives Historiques — La Gravure Musicale.

J’ai déniché une copie de seconde main de cet ouvrage, dans sa deuxième édition, parue en 1926, et en apparence largement augmentée depuis la première, à en croire la note placée en début d’ouvrage.

Pour des raisons évidentes, je ne reproduirai ici que la couverture du livre puisque, même s’il s’agit d’un livre qui n’a pas été ré-édité depuis près d’un siècle, je ne sais trop quel est le statut des exemples musicaux et des gravures utilisés par Henri Robert tout au long de l’ouvrage pour agrémenter la lecture.

Dans le style de l’époque, le titre, à rallonge, a néanmoins l’avantage d’annoncer précisément le contenu de ce traité.

Nous noterons au passage que la première partie du texte, l’Historique du Signe, de l’Impression et de la Gravure de Musique occupe tout de même près de 60 pages, dans un ouvrage qui en comporte 150 !

Les Origines de la Notation Musicale

Dans cette première partie, passionnante, Henri Robert commence par s’interroger dans un premier temps sur l’origine des signes musicaux eux-mêmes, et de l’émergence de la notation de la musique. L’auteur scrute ainsi l’état actuel — pour 1926 — des connaissances à ce sujet, chez différents peuples et différentes civilisations à travers le monde.

Henri Robert place peu ou prou l’émergence de l’utilisation des lettres de l’alphabet romain en tant que noms de notes vers la deuxième moitié du VIè siècle.

Il nous parle ensuite des Neumes, dont certains symboles de la notation moderne se font les rémanences, telles que le trille, le grupetto ou le symbole d’arpégé.

Puis émergent les lignes, qui deviendront au fil du temps ce que nous connaissons sous le nom de portée : une seule ligne, d’abord, puis deux, puis trois, quatre, et enfin cinq, comme dans notre portée moderne. À ce sujet, j’imagine qu’il s’agit là d’un compromis, cinq étant probablement le point optimum de lisibilité pour une appréhension immédiate en un seul coup d’œil pour un œil humain : à six, la marge d’erreur de notre regard pour identifier le nombre exact de lignes croît considérablement.

La hauteur absolue des sons était ensuite indiquée en plaçant au début de la partition une lettre romaine qui, par déformations successives, s’est transformée puis stabilisée dans ces clés que nous connaissons si bien : G pour la clé de sol, F pour la clé de fa, et C pour la clé d’ut. L’auteur accompagne tout ce chapitre de figures fort bienvenues et tout à fait intéressantes.

Ne manquaient alors, pour ce qui concerne les hauteurs, plus que les têtes de notes. Henri Robert nous montre que les premières furent tout d’abord carrées ou en forme de losange.

D’ailleurs, d’où viennent donc les noms actuels des notes de musique ? Do, ré, mi, fa, sol, la, si… Henri Robert nous rappelle que nous devons les six premières à Guy d’Arezzo, au XIè siècle, qui les tira des paroles de l’Hymne de Saint Jean, sous la forme : ut, ré, mi, fa, sol, la. Quant à la septième, Si, elle n’apparut que plus tard.

Henri Robert nous gratifie parfois, au bas de certaines pages de son traité, de quelques notes nous relatant quelque anecdote savoureuse, comme celle sur le remplacement du nom de la note Ut par Do, au XVIIè siècle, que l’on attribue à un certain Giovanni Doni, excédé par l’une de ses élèves, incapable de prononcer convenablement Ut…

Nous découvrons également les origines du bémol, au début du Xè siècle, du dièse à la fin du XIIè siècle, du bécarre au milieu du XVIIè siècle, puis beaucoup plus tardivement, au début du XVIIIè siècle, le double-dièse et double-bémol.

De son côté, la notation du rythme se précise : les notes se dotent d’une hampe, parfois terminée par un petit repli sous forme de crochet à leur extrémité, pour les bien-nommées croches, et les têtes de notes ne sont plus seulement pleines, mais aussi maintenant évidées. Des silences équivalents à chacune des valeurs de notes font leur apparition, et au milieu du XVIè siècle, cet embryon de notation rythmique se voit adjoint le point de prolongation.

Quant aux barres de mesures et aux chiffrages de mesures, on en trouve les premières traces au tournant entre les XV et XVIè siècles.

Les Origines des Types de Lettres

Henri Robert dresse ensuite un succinct panorama de l’origine des caractères utilisés en typographie depuis l’invention de l’imprimerie : caractères gothiques, semi-gothiques, italique, sans oublier les caractères « bâton » et fantaisie.

Les Débuts de l’Impression de Partitions Musicales

Quant à l’impression de partitions musicales en elle-même, c’est d’abord sous forme de planches de bois gravé qu’elle se fait jour.

Mais Ottaviano de Pétrucci, à la toute fin du XVè siècle, invente l’impression musicale au moyen de types mobiles. Il procède alors en deux temps : d’abord, l’impression de la portée ; ensuite, les notes de musique. Les utilisateurs de Finale comprendront peut-être mieux pourquoi la première police mise au point et livrée avec le logiciel avait été baptisée Petrucci, avant que les polices Engraver puis Maestro ne la remplacent au début des années 2000…

À peu près à la même période, les toutes dernières années du XVè siècle, Gafori utilise des têtes de notes qui commencent à présenter des caractéristiques arrondies, alors que jusqu’à présent, celles-ci étaient carrées ou losangées.

S’ensuivent plusieurs siècles de progrès et raffinements apportés à ces divers procédés, sans qu’une date précise ne se dessine avec certitude pour l’émergence de la gravure de musique sur planches de métal. Pourtant, au bois gravé et aux types mobiles, succède peu à peu la gravure au burin et l’impression de gravure sur planches de cuivre par taille-douce, possiblement dès le milieu du XVè siècle.

Quant à l’origine géographique de ces innovations successives, chaque pays d’Europe rivalise de revendications, en s’attribuant à plus ou moins juste titre la mise au point et la maîtrise de tel ou tel procédé, bien qu’il soit probable que la réponse à cette question soit moins tranchée qu’on ne le voudrait croire.

L’Avènement de la Gravure Musicale Telle qu’on la Pratiquait au Début du XXè siècle

Ce n’est que vers 1730 que l’on estime l’apparition, en Angleterre, de la pratique consistant à graver sur planches d’étain, un métal qui a l’avantage d’être plus mou que le cuivre.

Les demandes de gravure musicale augmentant, on commence alors à utiliser non plus une gravure qui, jusqu’alors, tenait à peu près du dessin, mais des poinçons, frappés sur la planche. Les notes, les clés, les altérations, deviennent ainsi plus homogènes, plus uniformes sur la page, et représentent surtout un gain de temps certain pour le graveur. Certains éléments, tels que les hampes des notes (appelées « queues de notes » par Henri Robert), les liaisons d’expression (appelées « coulés ») ou encore les barres de mesures, continuent toutefois d’être gravées à la main selon l’ancien procédé.

À la fin du XVIIIè siècle, les graveurs de musique n’utilisent plus pour ainsi dire que la gravure musicale par poinçon. Forcément, en découle que la mise au point et la gravure de poinçons en relief de symboles musicaux à destination des graveurs de musique devient une spécialité.

Néanmoins, Henri Robert note quelques-uns des principaux défauts de la gravure de partitions de musique de la deuxième moitié du XIXè siècle : les symboles musicaux y sont généralement anémiques, trop petits, trop fins, les lignes de portée ressortent peu, et les altérations en particulier sont de dimensions trop réduites, ce qui a pour effet de rendre la lecture difficile et exigeante pour les yeux. Note personnelle : c’est aussi le principal défaut que l’on pouvait adresser à Finale dans ses paramètres d’usine, en particulier avec la police historique Petrucci.

En apparence, dans le cas de la gravure de musique, il s’agissait d’une évolution des méthodes d’impression : le tirage ne se faisant plus par taille-douce mais par lithographie — qui ne requerrait plus le tirage que d’une seule épreuve —, la qualité des planches d’étain évolua, pour basculer vers un métal encore plus mou. Enfin, Henri Robert clôt ce chapitre en mentionnant l’évolution du dessin des clés, l’augmentation des proportions des altérations, et la propagation du recours aux poinçons pour certains signes qui jusqu’alors se gravaient directement à la main (malheureusement, sans mentionner précisément lesquels).

Pour l’anecdote, notons une double page, présentant à gauche le fac-similé d’un autographe de Jules Massenet, spécialement écrit pour le traité de Henri Robert, assorti sur la page de droite du même extrait musical, gravé cette fois-ci conformément aux canons en vigueur en 1903. S’ensuivent deux exemples plus anciens, de 1830 et 1860 respectivement, qui permettent de constater, dans une certaine mesure, l’évolution de la qualité de la gravure de musique au cours du XIXè siècle.

Henri Robert dédie ensuite un court chapitre en hommage aux « artistes graveurs de musique » depuis la fin du XVIIè siècle. On notera d’ailleurs que la moitié des graveurs auxquels rend hommage l’auteur sont des femmes : la parité est quasiment exacte (29 sur 55). D’ailleurs, l’auteur précisera un peu plus loin dans l’ouvrage que la gravure de musique fait partie des métiers d’art de la femme. Il semble donc que cet art et artisanat soit une discipline fortement répandue tant pour les femmes que pour les hommes. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de revenir sur ce point dans un autre ouvrage que je me propose d’étudier au cours de la présente série. L’auteur poursuit ensuite en présentant brièvement les notes de musique en Braille, ainsi que quelques exemples de tentatives pas très heureuses de simplification de la notation musicale…

S’ensuivent une courte évocation des machines à graver la musique et un historique du papier, dans lequel on apprend notamment la technique du Palimpseste — procédé utilisé autour du XVè siècle à cause d’une pénurie de peaux, qui consiste à gratter des parchemins déjà utilisés afin de s’en resservir pour de nouveaux écrits. Henri Robert indique également que le papier utilisé pour imprimer la musique est aujourd’hui — au début du XXè siècle, donc — du papier d’alfa (pour rappel, l’alfa est une plante que l’on trouve dans les milieux arides du bassin méditerranéen).

La Gravure de Musique sur Planches d’Étain

Et c’est à ce point de notre lecture, à la page 59, que commence véritablement le traité.

La gravure de musique se fait en trois temps successifs :

  1. La Disposition et le Dessin
  2. La Frappe et le Planage
  3. La Coupe et le Fini

L’auteur commence par rappeler à quel point il est indispensable à tout apprenti graveur de connaître parfaitement la théorie musicale.

Puis il détaille méticuleusement chaque étape :

1. La Disposition et le Dessin

À réception d’un manuscrit, on commence par estimer le nombre de plaques d’étain qui seront nécessaires pour graver la partition, ce qui se fait en annotant le manuscrit. À l’époque où je vivais principalement de copie musicale, j’avais d’ailleurs l’habitude de procéder au découpage du manuscrit en indiquant en rouge et en bleu les changements de page. Ici, Henri Robert détaille soigneusement le processus et les écueils possibles (comme les tournes ou le retrait du premier système), pour nous permettre d’estimer avec précision le nombres de pages de la future partition gravée.

Puis il faut soigner la planche d’étain, et délimiter la zone qui sera gravée.

Ensuite, il faut tracer les portées, à l’aide du tire-lignes : il s’agit d’un instrument qui comporte cinq dents, correspondant aux cinq lignes de la portée. L’écart entre ces dents forme ce que Henri Robert nomme une « dent », ce qui sert d’unité de mesure tout au long du travail de gravure, et qui correspond à une interligne sur la partition imprimée. Dans Finale, on appelait cette unité « space » ou « espace », et dans Dorico, c’est également l’unité que l’on rencontre dans de nombreuses boîtes de dialogue (Options des Dispositions > Espacement vertical).

Cette « dent » est donc corrélée à la taille de portée utilisée — ce que j’appelle souvent improprement la taille rastrale (du nom donné au tire-lignes en allemand), même si dans Dorico, on trouve plutôt l’appellation Espacement (Options des Dispositions > Mise en page > Espacement).

Ne restent plus qu’à pointer les portées — autrement dit, repérer l’emplacement vertical de chaque portée, en tenant compte de diverses règles et exceptions, notamment l’occurrence de lignes supplémentaires. Et enfin, les tracer !

Une fois les portées tracées, il faut encore réaliser le pointage de la clé, de l’armure et du chiffrage de mesure. Commence ensuite le pointage des barres de mesures, pour trouver l’emplacement de chaque barre de mesure sur la portée, puis le pointage des notes, en respectant un espacement harmonieux et en partie proportionnel, et bien sûr, tout cela en miroir : une opération fastidieuse et redoutable selon les standards d’aujourd’hui, mais essentielle à l’époque lorsque nous n’avions pas encore les algorithmes plus ou moins sophistiqués de Score, Finale, Sibelius, LilyPond, MuseScore, et bien sûr, Dorico !

Henri Robert indique que le pointage est indispensable « dans toute gravure soignée », pour reprendre ses mots, bien qu’il concède que certains types de partitions puissent tolérer un dessin à vue d’œil. Il nous donne une méthode précise pour réussir le pointage, assortie d’exemples détaillés, méthode dans laquelle il nous faut beaucoup compter et recompter…

Ceci dit, jusqu’à il y a quelques années encore, où j’écrivais mes partitions à la main sur papier, je procédais peu ou prou à toutes ces étapes, simplement en y mettant un peu moins de rigueur : préparer la nomenclature, en tâchant d’estimer les instruments dont j’allais avoir besoin, estimer le nombre de mesures sur chaque système et placer les barres de mesures, etc.

Cette étape réalisée, encore faut-il réaliser le dessin de la notation, à l’aide d’une pointe sèche et de manière symbolique — si j’ai bien compris, la pointe sèche correspond à ce que nous appelons plutôt un crayon de papier. Henri Robert est formel : à ce stade, TOUT ce que contient le manuscrit doit être reporté sur la planche d’étain, sous peine d’oublier des éléments. Évidemment, les apprentis feront bien de s’entraîner sur papier à toutes ces étapes, les plaques d’étain étant coûteuses.

Mais il ne suffit pas de savoir dessiner les notes et autres symboles musicaux : il faut aussi savoir dessiner les lettres et les titres !

2. La Frappe et le Planage

Une fois la plaque d’étain préparée et tous les éléments de la partition précisément repérés, il faut alors passer à la frappe des poinçons. Et cette étape, qui pourrait sembler facile, s’avère bien plus technique que prévue !

En effet, il faut pondérer la force de frappe en l’adaptant au poinçon, et frapper d’un geste sûr, pour obtenir une empreinte nette. Mais il faut également savoir le placer et l’accrocher précisément, ce qui varie d’un poinçon à l’autre. Henri Robert passe en revue les poinçons les plus importants, en commentant leurs particularités.

Tout ce travail de frappe produit de petites boursouflures, de petites irrégularités, qu’il convient ensuite de lisser dans l’étape du planage afin d’éviter des problèmes d’impression. Là encore, un geste technique, car il faut parvenir à aplanir la plaque, sans pour autant la faire gondoler par excès inverse, ni la marquer de demi-lunes, ni encore écraser les contours des signes poinçonnés !

Certains détails de la notation s’étant toutefois rebouchés au planage, encore faut-il repasser le tire-ligne pour bien remarquer les portées.

3. La Coupe et le Fini

À ce stade-là, il nous manque encore beaucoup d’indications : hampes, ligatures, liaisons (les « coulés ») — en fait, tout ce qui n’est pas poinçonné mais véritablement gravé. Et chaque élément se fait au moyen d’un outil spécial et particulier, que Henri Robert regroupe sous le nom général de burins ou échoppes. Nous n’allons pas ici les détailler.

On n’oublie pas d’ajouter les crochets des croches, qui sont poinçonnés mais ne peuvent se faire, nécessairement, qu’une fois les hampes réalisées.

Pour réaliser les coulés, Henri Robert nous explique que jusqu’à 5 centimètres, on utilise un poinçon. Au-delà, on les grave à la main.

Si celles-ci n’ont pas été réalisées au moyen d’un poinçon au cours de la frappe, les lignes supplémentaires doivent maintenant être tracées.

Après avoir terminé la coupe, il convient de procéder à l’ébarbage, afin de faire disparaître les bavures dues au burin et rendre les signes nets à l’impression. D’ailleurs, l’auteur mentionne alors l’utilité d’un outil nommé la riflette, pour recycler des planches d’étain déjà utilisées. Ce qui laisse supposer que les éditeurs de musique ne conservaient pas nécessairement toutes les planches originales des partitions de leur catalogue.

Pour terminer, il faut vérifier que la planche que nous venons de graver ne comporte pas de défaut d’exécution : c’est ce que l’on appelle le fini, ou la retouche. De même, tous les repères hérités de l’étape du dessin ou de la frappe doivent maintenant être effacés.

Peut enfin être tirée la première épreuve, que l’auteur s’empressera de corriger. Par chance, l’étain s’avère être un métal sur lequel il est relativement facile d’apporter des corrections. Pour ce faire, on commence par repérer au dos de la plaque l’emplacement de l’erreur, puis on repousse le métal pour faire disparaître le signe. On répare si besoin les lignes des portées, et enfin on apporte la correction.

Même l’encrage de la planche, pour tirer les épreuves, est une opération technique ! Le plus souvent, les épreuves destinées à la correction sont imprimées en blanc sur fond bleu, vert ou rose !

Qu’en Est-Il de l’Hygiène Dans la Gravure de Musique ?

Henri Robert consacre un court chapitre à cette question : à l’en croire, il n’y aurait aucun risque à manipuler des planches d’étain, malgré leur forte teneur en plomb, et le métier de graveur se pare de toutes les qualités : physiques, intellectuelles, morales !

Il n’en donne pas moins quelques conseils généraux sur la posture à adopter et la disposition de la pièce, la lumière, etc.

Il termine avec quelques mots sur l’entretien de l’outillage du graveur de musique, mentionnant au passage que la plupart des poinçons se conservent très longtemps, et qu’il y a même des collections d’outils qui, après cent ans, sont toujours d’un usage serviable !

De la Qualité des Planches d’Étain & des Grosseurs de Poinçons de Gravure

La partie principale du traité s’achève sur la discussion des proportions des différents métaux pour obtenir les plaques d’étain pour la gravure de la meilleure qualité.

S’ensuit un rapide descriptif des désagréments à se servir de plaques de zinc ou d’aluminium à la place des plaques d’étain habituelles, ces deux derniers alliages ne présentant pas les qualités requises de dureté modérée et d’oxydation raisonnable.

Il termine avec la liste des dimensions les plus répandues pour les plaques d’étain destinées à graver différents types de partitions.

Enfin, il détaille les 10 grosseurs principales de poinçons utilisées selon le type de musique (l’équivalent de la taille « rastrale » ou de l’espacement dans Dorico), et nous présente une planche récapitulative des principaux poinçons.

Abrégé des Principes de Musique

Dans le chapitre qui suit, Henri Robert nous présente des tableaux, qui reprennent de manière très synthétiques les grands principes de la théorie musicale. Cet abrégé n’a pas grand intérêt dans notre discussion.

La Simili-Gravure de Musique

L’ouvrage n’est pourtant pas encore terminé !

En effet, Henri Robert prend encore le temps de nous détailler le procédé de « Simili sur Calque », qui d’après lui, nous permet d’atteindre une qualité presque égale à celle des meilleurs gravures sur planches d’étain.

Il s’agit peu ou prou des mêmes étapes que la gravure sur plaques, à quelques petites variantes près, sauf que le travail s’effectue sur des calques avec de l’encre.

Mécaniquement, le coût d’un tel procédé s’en trouve réduit, nettement plus avantageux que la gravure sur plaques métalliques ! D’ailleurs les plaques d’étain sont parfois renvoyées à la fonte, après tirage, afin d’économiser sur les coûts. Il en découle que les originaux ne sont pas forcément conservés… D’après Henri Robert, le procédé de Simili sur Calque est particulièrement indiqué pour la musique d’orchestre.

Par ailleurs, l’espace de stockage des calques est pratiquement nul, contrairement aux planches d’étain, qui prennent beaucoup de place (imaginez une Symphonie de Mahler en plaques de gravure !…), et le calque original peut être conservé, pour des tirages ultérieurs propres — ce qui n’est pas toujours le cas avec la gravure traditionnelle.

Afin de pouvoir apporter des corrections à la planche sur calque, les portées sont tracées d’un côté du calque, et les symboles musicaux de l’autre, afin de pouvoir gratter les erreurs sans endommager les portées. L’avantage de ce procédé de Simili-Gravure, c’est de permettre le travail à l’endroit, et non plus à l’envers, comme sur la véritable gravure !

Le travail s’effectue ensuite principalement à l’encre de Chine, et à l’encre bleue pour toutes les aides à la disposition qui ne devront pas apparaître à la reprographie. Grand soin doit d’ailleurs être apporté à préserver la propreté immaculée du papier cristal, puisque celui-ci sera en dernier lieu confié au photo-graveur-imprimeur !

Les poinçons sont ici encrés sur un bloc de gélatine, puis apposés sur le calque, presque comme dans la gravure, le burin en moins. Le matériel est également légèrement différent (plumes, encre, etc.). Henri Robert gradue l’épaisseur du trait de la manière suivante : 1. les traits les plus fins pour les lignes de portées ; 2. plus forts, les traits pour les lignes de hampes ; 3. encore plus forts, les traits pour les tirer les barres de mesures.

À la fin d’une planche de musique, il est quelquefois nécessaire de rendre plus opaque l’encrage de la page, au moyen d’une poudre spéciale.

Si des corrections sont nécessaires, on se sert essentiellement du grattoir et de la gomme. Puis on tire une épreuve à corrections sur du papier ferro-prussiate : les symboles musicaux apparaissent en blanc, sur fond bleu.

Enfin, lorsque l’on a accompli la gravure et réalisé toutes les corrections, il est temps de confier le calque à un imprimeur-photograveur spécialiste.

Le Procédé Autographique

Henri Robert poursuit par une (brève) description du procédé autographique, qui utilise le report sur zinc ou sur pierre lithographique.

Le travail se fait à peu près de la même manière que pour le procédé de Simili-Gravure, à ceci près que les encres ne sont pas les mêmes, et que les portées doivent être tirées du même côté que la notation. Il faut par ailleurs être particulièrement vigilant sur l’encrage, qui ne doit être que modéré, sous peine de former de gros pâtés au report de l’épreuve.

Il faut ensuite être attentif à la conservation des originaux qui, d’après Henri Robert, ne doit pas dépasser vingt jours, au risque qu’elles ne sèchent trop et ne se décalquent plus. La conservation des feuilles terminées demande par ailleurs un soin particulier : celles-ci doivent être séparées les unes des autres par un papier blanc.

Le Simili-Gravure sur Bristol

Il ne s’agit que d’une variante de la Simili-Gravure décrite plus haut, principalement indiquée pour les journaux périodiques et les grands tirages d’exemplaires. Les erreurs peuvent se corriger avec de la gouache (du blanc d’argent) ou avec le grattoir.

Le photograveur peut réduire ou agrandir à volonté le format, ce qui permet de travailler dans n’importe quelle grosseur de musique.

La Réalisation de Titres de Bon Goût

Dans cet avant-dernier chapitre, Henri Robert donne quelques conseils à l’apprenti-graveur pour réaliser ses titres avec goût — goût de l’époque, s’entend !

Glossaire des Termes Techniques

Le traité se clôt sur un glossaire récapitulant tout le vocabulaire technique de la gravure de musique.

En Conclusion : Mon Avis sur ce Livre

Un ouvrage certes daté, intéressant surtout d’un point de vue historique, pour prendre conscience à quel point nous venons de loin en ce qui concerne la réalisation de partitions propres.

Le lecteur réalisera ainsi peut-être que même le logiciel de notation musicale le plus malcommode est sans doute infiniment plus facile à utiliser que les procédés traditionnels exposés dans ce traité par Henri Robert !…

Avec ►Dorico◄ par exemple, nous avons acquis un confort de travail incomparable, si l’on met en perspective le travail avec poinçons sur planches d’étain…

Un livre que j’ai adoré, par son côté suranné, qui en rend la lecture charmante, par cet artisanat qu’il nous dévoile, mais probablement pas tout à fait indispensable pour qui souhaite en tirer immédiatement un enseignement pratique.