Aujourd’hui sortait le film Coco Chanel & Igor Strawinsky, de Jan Kounen, avec Mads Mikkelsen et Anna Mouglalis.
Si vous aimez le cinéma, si vous aimez Strawinsky, et si vous aimez les costumes d’époque, l’ambiance du début du XXè siècle, lorsqu’on revêtait encore un habit assorti d’un haut de forme pour se rendre à l’Opéra, d’une chemise à plastron et gougeons de chemise, de faux cols, et de costumes trois pièces, vous aimerez sûrement ce film.
Si la ressemblance de Mads Mikkelsen avec Igor Strawinsky est loin d’être aussi flagrante que celle d’Éric Elmosnino dans le film à venir Gainsbourg, vie héroïque (et même plutôt ténue, pour être franc !), le film bénéficie d’une superbe esthétique, tant au niveau de la lumière que des cadrages et mouvements de caméra, aussi bien dans les costumes que dans les décors (la maison de Coco Chanel), sans pourtant rien de tape-à-l’œil.
En outre, les enfants d’Igor, leur gouvernante, ainsi que les dialogues entre Igor et sa femme Katia, sont en russe (avec un accent authentique !), sous-titrés en français.
Mais si le film sera peut-être un peu lent au goût de certains, s’intéressant, avec pudeur, à saisir les atmosphères et les tensions assaillant Strawinsky et Coco, l’utilisation de la musique du grand maître russe s’avère diablement efficace. L’underscore de Gabriel Yared, terne et peu fouillé, en comparaison, m’a paru détonner, mais cela n’implique que moi.
Le plus grand moment du film, me scotchant littéralement à mon siège, est indubitablement la reconstitution de la première représentation du Sacre du Printemps par les ballets russes de Serge de Diaghilev, le 29 mai 1913 au théâtre des Champs-Élysées. De l’attente précédant le début du concert, avec une tension extrêmement forte, au scandale gagnant progressivement la salle, avec des mouvements de caméra très travaillés, Jan Kounen a réussi là un très grand moment de cinéma, où l’on oublie que nous sommes à la veille de 2010, où l’on oublie que nous sommes au cinéma. Nous sommes le 29 mai 1913, à Paris, au théâtre des Champs-Élysées, et le Sacre est joué pour la première fois. La gestion du temps de cette séquence nous donne l’illusion d’assister réellement à cette représentation, il y a un siècle, et en temps réel. Les raccourcis sont subtilement bien gérés, et après ce tour de force en ouverture du film, le reste du film se déroulera dans un tempo beaucoup plus calme.
En somme, pour moi Jan Kounen vient de réussir une œuvre magistrale, teintée d’inconscience, étant donné l’ambitieuse idée de reconstituer le concert historique de Création du Sacre.
Un dernier conseil… restez jusqu’à la fin du générique.